En finir avec Eddy Bellegueule

Edouard Louis

Seuil

  • Conseillé par
    2 août 2014

    différence, famille

    Ça y est, je lis enfin le roman qui a fait polémique à sa sortie en janvier de cette année.

    Pour moi qui travaille dans un tel milieu, rien de bien nouveau sous le soleil. Juste une peinture réaliste d'un certain milieu social.

    Ce qui m'a en revanche intéressée, c'est ce besoin des hommes à paraître des hommes selon un certain stéréotype. On "casse du pédé" pour mieux oublier que parfois, le corps masculin attire, aussi.

    J'ai trouvé en revanche l'auteur un peu léger, sur la fin, à propos des différences de comportements dans les différentes classes sociales. Il ne fait qu'esquisser le sujet. Dommage.

    La dernière phrase m'a également laissée dans le doute. Le narrateur arrive-t-il vraiment à rire de sa différence ?

    L'image que je retiendrai :

    Celle de la maison au carreau de la chambre casse, chambre sans Moquette ni tapisserie.

    La question que je me pose :

    L'auteur n'est pas d'un milieu aisé, et parvient pourtant à intégrer une Grande École grâce au lycée dans lequel il entre, et qui lui permettra d'avoir accès à la culture classique. Au collège, il souffre de harcèlement. Ma question: à quoi sert le collège ?

    http://motamots.canalblog.com/archives/2014/07/16/30055511.html


  • Conseillé par
    25 février 2014

    Les années 1990 et un petit de village de Picardie avec ses ouvriers, ses quelques notables, sa mairie, son église, sa place, son épicerie et ses cafés. Un village que l'on peut trouver autre part en France avec les mêmes codes et les mêmes familles comme celle d'Eddy Bellegueule. Un père ouvrier qui décide de tout, une mère qui "a élevé ses enfants", la misère, la crasse, la télé qui braille du matin au soir et l'alcool. Chez les Bellegueule, on ne se parle pas. On se balance des vacheries, de la vulgarité en pleine figure. Le père aime gueuler sur les arabes et les noirs (coupables de tout). C'est dans cet environnement qu'Eddy grandit. Les ados sortent, boivent le samedi soir et draguent. Ils sont nombreux à arrêter les études à seize ans pour se mettre en ménage, trouver un boulot et ils se retrouvent parents assez jeunes.

    Schéma reproduit d'une génération à l'autre, un carcan que nul ne contredit. On l'accepte et on le vit.
    Eddy est traité de pédé ou de tapette. Victime des violences physiques, verbales à l'école ou au village, Eddy encaisse sans broncher. Ses parents ou son frère plus âgé doutent alors Eddy tente d'être un dur comme doit être un homme selon son père. Mais ses manières efféminées, sa voix aiguë qui font jaser font partie de lui.
    Ce livre est autobiographique. À vingt et un ans, Edouard Louis a décidé de raconter sa vie et donc sa famille. Alors oui c'est une lecture qui fait affreusement mal mais Edouard Louis nous livre du brut. Des faits et des paroles sans un recul qui pour moi était nécessaire. Cette distance, le temps qu'il faut pour analyser le pourquoi, remonter aux origines et tenter de comprendre.
    Je ne cherche pas à disculper ses parents mais s'il avait attendu pour écrire son enfance et son adolescence (car ce sont des années qu'il faut digérer), il aurait eu cette maturité qui permet de donner une dimension bien plus profonde et surtout sociologique à son témoignage.
    Peut-être que ce livre permettra de donner de la force, du courage à des jeunes pour casser le cercle dans lequel ils se trouvent et/ou affirmer leurs différences mais je ne rejoins pas les critique élogieuses ou les comparaisons avec Annie Ernaux.


  • 4 février 2014

    Quelle claque... C'est le genre de livre que tu refermes avec la tête pleine d'images, les plus déroutantes les unes que les autres.Tu ne peux pas reposer ce livre sans être habité(e) par les propos violents, les scènes insoutenables comme il est rare de les lire en littérature.
    Eddy, le jeune garçon se construit dans le reflet des propos des autres. La violence verbale se mêle à la violence physique auxquelles Eddy répond en souriant.
    Dans ce village picard, un homme doit être un dur et cette démarche et ces manières efféminées ne sont pas conformes à ce que l'homme représente dans les esprits étriqués des villageois. Oui... l'histoire se déroule en Picardie, dans un milieu où la misère devient ordinaire mais je pense que partout en France et ailleurs encore, il existe des tas d'Eddy Bellegueule.

    Eddy tente de se conformer à la norme en s'imbibant d'alcool, en cognant, en "baisant" des femmes, en vain.
    La famille d'Eddy s'abrutit devant la télévision, seule ouverture possible sur le monde extérieur, celui des apparences, du simulacre.
    Eddy rêve de côtoyer la sphère des idées et on l'accompagne sur le chemin de son émancipation, de sa quête de liberté, de sa fuite...
    Edouard Louis utilise ses ressources sociologiques pour nous délivrer une souffrance légitime, telle qu'il l'a perçue, vécue et enfouie. C'est un roman choc, un coup de canif dans la bienséance littéraire.
    Racisme rime avec bêtise partout en France, pas seulement dans cette région du Nord de la France.
    Ce texte bouleverse, l'émotion est grande en le refermant... et plutôt que de stigmatiser une région c'est la parole du rejet et de la torture qui prime. Chercher à comprendre, à analyser, à vérifier c'est aussi juger.


  • Conseillé par (Libraire)
    14 janvier 2014

    La fuite

    Auto-fiction ? Roman social ? Difficile de poser une étiquette sur le premier roman de cet auteur de 22 ans, étudiant de philosophie et de sociologie à l'Ecole Normale Supérieure.

    C'est l'histoire d'une enfance gâchée. L'intrigue se passe quelque part dans un petit village de Picardie à la fin des années 90 - milieu des années 2000. Parce qu'il est efféminé, le petit Eddie subit quotidiennement les reproches de ses parents, les sarcasmes de ses frères et la violence (effarante) de ses camarades de collège. Devenu adulte, le narrateur tente de comprendre pourquoi il a été stigmatisé au point de devoir prendre la fuite. On sait dès les premières pages qu'il va s'en sortir mais jusqu'à la fin, l'auteur tient le lecteur en haleine car rien ne semble pouvoir arrêter sa descente en enfer.

    Un roman difficile mais aussi plein d'espoir et d'humanité. Bref, j'ai beaucoup aimé.