Film et histoire
EAN13
9782200345570
ISBN
978-2-200-34557-0
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
Collection U
Nombre de pages
296
Dimensions
24 x 16 cm
Poids
415 g
Langue
français
Code dewey
791
Fiches UNIMARC
S'identifier

Offres

Autre version disponible

Avant-propos?>Cet ouvrage traite de la représentation du pouvoir et de l'interaction entre le cinéma, l'histoire et la propagande. Il tente une synthèse chronologique et cognitive sur la naissance, le développement et l'enracinement de la propagande auxquels le cinéma a largement contribué au xxe siècle. D'une ambition généraliste, cet ouvrage renvoie périodiquement aux auteurs et aux études spécialisées afin d'approfondir les sujets traités. Il ne saurait à cet égard être exhaustif et assume les omissions et les choix qui sont les siens, effectués en partie en tenant compte des programmes scolaires et universitaires. Ainsi les films présentés sont souvent des œuvres majeures de l'histoire du cinéma mais aussi des découvertes, des œuvres méconnues ou oubliées.L'ouvrage n'analyse pas seulement le contenu des films mais aussi les conditions de leur mise en œuvre dans le contexte politique et historique de l'époque. Le film offre en effet un ensemble de représentations qui renvoient directement ou indirectement à la société dans laquelle il s'inscrit. Nous avons choisi de l'interrompre au début de la Seconde Guerre mondiale. Les années 1930 furent les grandes années du cinéma de propagande. Les trois totalitarismes majeurs que sont l'Union soviétique, l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste contrôlent l'image et la représentation du pouvoir ; ils institutionnalisent la propagande. Le cinéma devient alors une arme de persuasion.Il faut rappeler que le cinéma allemand, avant de sombrer dans la propagande nazie, fut le plus novateur de son temps, construit sur les décombres de la Première Guerre mondiale. De son côté, avant 1914, le cinéma italien avait fait preuve d'une créativité exceptionnelle. Quant à la réflexion engagée par les cinéastes russes sur l'esthétisme, elle aboutit aux grands chefs-d'œuvre des années 1920. L'URSS est le seul totalitarisme à engendrer un cinéma de qualité.Les démocraties comme la France, la Grande-Bretagne ou les États-Unis ont pris conscience de l'impact du cinéma durant la Première Guerre mondiale. Le 7e art accompagne désormais les évolutions des sociétés occidentales et s'impose comme un tensiomètre de l'état de l'opinion. Si l'on ne peut évoquer à cet égard un cinéma de propagande (sauf cas exceptionnels), il convient de souligner que la technique et le vocabulaire cinématographique mis en œuvre s'inspirent bien souvent du langage propagandiste des totalitarismes. Les années 1930 formalisent et structurent le cinéma de propagande. La Seconde Guerre mondiale est un tournant avec la victoire des États-Unis. Les images s'industrialisent, le modèle américain - qui s'oppose durant la guerre froide au modèle soviétique - se propage dans le monde. Le temps de l'image icône ponctuelle est révolu, c'est le temps du tout-image, le temps iconique qui déferle dans tous les foyers. Auparavant, l'image se référait à une réalité. La réalité désormais a tendance à se confondre avec l'image.?>PREMIÈRE PARTIE?>De la représentation du pouvoir au cinéma de propagande?>« L'Occident a le génie des images parce qu'il y a vingt siècles est apparue en Palestine une secte hérétique juive qui avait le génie des intermédiaires. Entre Dieu et les pécheurs, elle intercala un moyen terme : dogme de l'Incarnation. C'est donc qu'une chair pouvait être (...) le "tabernacle du saint-esprit". D'un corps divin, lui-même matière, il pouvait par conséquent y avoir une image matérielle. Hollywood vient de là, par l'icône et le baroque » (Régis Debray, Vie et mort de l'image, Paris, Gallimard, coll. Folio Essais, 1992, p. 101.)
Selon Régis Debray, le génie des images serait ainsi directement lié au génie du christianisme qui aurait compris que l'image précède l'idée, se substitue au mot, s'ancre directement dans l'esprit et surtout qu'elle est accessible à tous. La propagande par l'image serait la conséquence de la naissance du christianisme. S'il apparaît que le christianisme est bien à l'origine de la propagande, comme nous le préciserons plus loin, les prémisses de celle-ci sont à rechercher dans l' origine des représentations et dans l' ambition spécifiquement humaine de communiquer.?>Chapitre 1?>De l'image et des représentations : quelques prolégomènes?>Les trois modes de l'image?>Au-delà du constat pertinent de Régis Debray, ne faudrait-il pas chercher encore bien plus loin l'origine du génie de l'image ? L'image ne prendrait-elle pas racine dans le fondement même de l'esprit humain ? Lorsque l'homme fut capable de fixer sur les parois d'une grotte la vision de son environnement, l'image prit forme. Une première question s'impose. Qu'est-ce qu'une image ? Malgré la polysémie du terme, il faut tenter une définition. Descartes la décrit comme la « reproduction mentale d'une perception ou d'une impression en l'absence de l'objet qui lui avait donné naissance1». Il ne saurait être question ici d'évoquer la technique de fabrication optique d'une image ni ses modes de perception rétinienne. Nous renvoyons le lecteur sur ce sujet à la première partie du livre fondamental de Jacques Aumont sur le sujet, L'image, un ouvrage qui inspire nécessairement lorsqu'il s'agit de réfléchir aux différents aspects de celle-ci. Au-delà de l'approche cartésienne, il est utile d'envisager la trichotomie sur le rapport de l'image au réel proposée par Rudolf Arnheim et reprise par Jacques Aumont2 (valeur de représentation, valeur de symbole, valeur de signe). Nous aborderons donc en priorité l'image comme valeur de représentation sans omettre, en particulier, dans cette première partie historique, l'image comme symbole. La propagande est le plus souvent le résultat de l'union de ces deux aspects de l'image. Il ne peut y avoir de représentation sans symbole et de symbole sans représentation. La seconde question que l'on peut et doit se poser concerne l'utilisation de l'image. À quoi sert-elle ? Jacques Aumont établit trois modes principaux de fonctions de l'image, parfaitement opérants dans notre démarche.
Tout d'abord le mode symbolique :« Les images ont sans doute d'abord servi essentiellement de symboles, plus précisément de symboles religieux, censés donner accès à la sphère du sacré par la manifestation plus ou moins directe d'une présence divine. Sans remonter jusqu'à la préhistoire, les premières sculptures grecques archaïques étaient des idoles, produites et vénérées comme autant de manifestations sensibles de la divinité. »
Aumont évoque à juste raison l'imagerie religieuse et ses principaux symboles, sur lesquels nous reviendrons.Puis, le mode épistémique :« L'image apporte des informations [visuelles] sur le monde, qu'elle permet ainsi de connaître, y compris dans certains de ces aspects non visuels [...] cette fonction générale de connaissances a été également très tôt assignée aux images. »
C'est l'aspect documentaire de l'image qui l'emporte ici.Enfin, le mode esthétique :« L'image est destinée à plaire à son spectateur, à lui proposer des sensations [aisthésis] spécifiques. Cette visée est sans doute elle aussi très ancienne bien qu'il soit à peu près impossible de se prononcer sur ce qu'a pu être le sentiment esthétique à des époques très éloignées des nôtres (les bisons de Lascaux étaient-ils censés être beaux ? Avaient-ils seulement une valeur magique ?). »Comme le rappelle Dominique Chateau, « la nébuleuse des termes grecs [...] d'où vient le mot moderne d'esthétique renvoie [...] aux cinq sens, à la sensation, au sentir, au sensoriel, au sensitif, à la perception et concerne donc la relation des sens au monde3». L'esthétisation donne plus ou moins volontairement une « teinture ou un sens esthétique à quelque chose qui ne l'est pas a priori» (Château, p. 55), comme la politique ou la guerre que la propagande va se charger d'esthétiser.Jacques Aumont rappelle que cette dernière fonction de l' image « est aujourd'hui indissociable ou presque de la notion d'art, au point qu'on confond souvent les deux et qu'une image soucieuse d'obtenir un effet esthétique peut aisément se faire passer pour une image artistique ». L'idéologie ou l'horreur esthétisées peuvent dès lors prétendre être artistiques. Le cinéma de propagande s'inscrit dans cette prétention...
S'identifier pour envoyer des commentaires.