Standard

Nina Bouraoui

Flammarion

  • Conseillé par
    22 février 2014

    Une seule envie nommée Marlène

    Bruno Kerjen est un homme standard. Il fait partie " des mecs qu’on voit sans voir, qu’on fréquente sans aimer". Il travaille à Supelec comme assembleur de cartes électroniques, un métier touché par la crise économique, en perte de vitesse depuis la concurrence chinoise. Sa vie se passe entre son métier où il n’a aucune ambition, son petit logement de Vitry où il contemple une fantomatique tache noire au plafond, reflet de ses sinistres pensées et quelques voyages dans sa Bretagne natale pour voir sa mère veuve depuis peu et son ami d’enfance Gilles, autre célibataire assez rustre et comparse de beuveries.
    Sa mère trop attachante et soumise lui a donné le dégoût des femmes et ses activités sexuelles se résument aux conversations pornographiques par téléphone. La méfiance de son père a brimé toutes ses ambitions, suscitant plutôt la honte et la peur de l’échec.

    Nina Baraoui construit ainsi à longueur de phrases le portrait d’un anti-héros, symbole de la médiocrité des sociétés modernes. Bruno, " handicapé des sentiments" ressasse son pessimisme, travaille pour éviter l’ennui, s’enferme dans la routine pour ne pas être déçu et regrette la seule femme qu’il aurait pu aimer, Marlène, jadis la plus belle fille de son lycée.
    " Marlène incarnait encore ses rêves, son désir, lui qui se sentait desséché, éteint de l’intérieur."
    Lorsque Marlène revient en Bretagne, seule avec un enfant de huit ans, sans avoir réussi à devenir la star que sa plastique pouvait lui promettre, Bruno se reprend à rêver. Marlène n’a rien perdu de ses atouts ni de son côté manipulateur et opportuniste.
    " Elle faisait partie de ces femmes qui jouaient sur tous les tableaux sans choisir un numéro, mieux valait s’en tenir éloigné. Marlène menait tout droit à la souffrance, c’était un chemin cette fille, un chemin vers un mur, autant s’en défaire avant de s’écraser pour de bon."
    L’auteur quitte ici son univers habituel lié à son enfance en Algérie, laissant l’introspection et l’analyse des sentiments pour un récit moderne ancré dans la réalité économique et sociale de notre pays.
    Le thème de l’anti-héros n’est pas facile à aborder mais Nina Baraoui parvient à nous intéresser à son personnage. Toutefois, n’eut-il pas mieux valu moins insister sur la vie monotone et solitaire de Bruno et donner ainsi une plus large place à la sensuelle et vénéneuse Marlène et à ces retrouvailles fatales ?


  • Conseillé par
    8 janvier 2014

    un loser perdu

    Avec " Standard ", Nina Bouraoui change de registre et décrit les rouages de la médiocre vie d’un raté ordinaire. Bruno Kerjen a la trentaine. Breton d’origine, il s’est exilé à Paris, où il exerce un métier d’ouvrier en électronique en dessous de ses compétences chez Supélec, une entreprise qui subit de plein fouet la crise financière. Célibataire endurci, il refuse toute relation amicale ou amoureuse et sa vie s’organise entre ce travail de plus en plus stressant et son domicile de Vitry sur Seine, où il remplit son temps libre de « junk food » et de fantasmes sexuels téléphoniques. Le décès de son père, la solitude de sa mère et sa seule amitié avec un camarade de lycée, Gilles, aussi paumé que lui, le ramènent parfois dans sa Bretagne natale. C’est là qu’un jour, cette existence terne et solitaire va basculer. Bruno va recroiser Marylène, la seule qui, à l'époque du lycée, avait suscité chez lui un semblant d’émotion. Revenue d’un exil en quête de rêves de grandeur, la belle va réveiller le feu chez cet anti-héros trop longtemps engourdi. Cette histoire peut paraître glauque. Elle l’est, d’une certaine façon. Mais à travers ce portrait psychologique d’un « loser » attachant, Nina Bouraoui passe au scalpel une époque faite de laisser-allers individuels et collectifs, et nous met face à la question essentielle du sens de nos destins. Qu’est-ce que réussir sa vie ? Jusqu’où peut-on se résigner ? Doit-on oublier nos rêves de jeunesse pour cadenasser nos existences dans le précaire confort de chemins qui semblent « rassurants »? Avec " Standard ", Nina Bouraoui signe l'un de ses meilleurs romans.

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