LA GRANDE LIBRAIRIE Mercredi 14 février 2024 : Michelle Perrot, Annette Wieviorka, Marie Vaislic, Robert Birenbaum et Claire Deya

Cette semaine, à quelques jours de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, La Grande Librairie vous propose une réflexion sur la mémoire. Pourquoi et comment se souvenir ? Autour de nous, deux historiennes, deux témoins et une romancière : autant de récits sensibles et nécessaires.

LE DIALOGUE : MICHELLE PERROT ET ANNETTE WIEVIORKA

Ses travaux précurseurs sur l’histoire des femmes et des marges la classent parmi les figures les plus importantes et iconoclastes de notre paysage intellectuel. Dans S’engager en historienne (CNRS éditions), Michelle Perrot revient sur les grandes étapes qui l’ont menée à approfondir ce qu’elle nomme « une quête de vérité ». Une quête éperdue, parfois désespérée, comme une invitation à corriger les oublis de l’histoire et à en explorer les silences.

Les silences de l’histoire sont au cœur de l’œuvre d’Annette Wieviorka. Directrice de recherche émérite au CNRS, historienne de la mémoire de la Shoah et du communisme, elle scrute avec minutie les failles de nos récits collectifs. Début février, en prévision de l’entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manoukian, tous deux membres du réseau de résistants FTP-MOI dont elle est spécialiste, paraissait Anatomie de l’affiche rouge (Seuil Libelle). Dans ce court texte, elle s’inquiète d’une distorsion des faits au profit de la légende et au détriment de la vérité historique. Une interrogation passionnante sur la manière dont l’histoire se raconte et nous est racontée.

LE TÉMOIGNAGE : MARIE VAISLIC

Raconter son histoire, c’est le défi que relève Marie Vaislic, 93 ans, dans un témoignage poignant, Il n’y aura bientôt plus personne (Grasset). Déportée à Ravensbrück puis à Bergen-Belsen à l’âge de 14 ans, elle raconte son arrestation, sa survie, l’omniprésence de la mort et son retour de l’enfer des camps. Une parole nécessaire animée d’un puissant désir de transmission. Pour que les nouvelles générations n’oublient pas, elle se rend aussi régulièrement en milieu scolaire. Cette semaine, dans le cadre de notre concours Si on lisait à voix haute, elle est allée à la rencontre des élèves de 3ème pro A du lycée René Bonnet à Toulouse. En guise de remerciements, ils lui ont lu un poème de la résistante Charlotte Delbo, extrait du recueil Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants, à paraitre en mars aux Éditions de Minuit.

LE REPORTAGE : ROBERT BIRENBAUM

Un désir de transmission partagé par Robert Birenbaum. Dans 16 ans, résistant (Stock) il revient sur son engagement dans la résistance au sein des jeunesses communistes. Un courage qui lui valut d’être décoré par la Légion d’honneur le 18 juin dernier lors d’une cérémonie organisée au Mont-Valérien, ce même lieu où vingt-deux de ses camarades du groupe FTP MOI furent fusillés en février 1944, et où nous l’avons rencontré pour un entretien empli d’émotion et d’humanité.

LE ROMAN : CLAIRE DEYA

Que se passe-t-il lorsque le romancier s’empare de l’histoire ? Avec Un monde à refaire (éditions de l’Observatoire), Claire Deya signe un premier roman éblouissant sur le retour à la vie d’hommes et de femmes happés par la seconde guerre-mondiale. À l’aube de la signature de l’armistice, volontaires et prisonniers allemands sont chargés de déminer le littoral méditerranéen truffé d’engins de mort. Un épisode méconnu de notre histoire, sur lequel vient s’inscrire les destins brisés d’un ancien maquisard, d’une survivante des camps, et d’un médecin prêt à tout pour retrouver sa bien-aimée. Virtuose, précis et palpitant.