Comprendre Machiavel
EAN13
9782200351670
ISBN
978-2-200-35167-0
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
Cursus. Philosophie. Comprendre
Nombre de pages
264
Dimensions
20,5 x 14 x 1,4 cm
Poids
301 g
Langue
français
Code dewey
195
Fiches UNIMARC
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Chapitre I?>De la pratique à la théorie ... et retour?>Machiavel est témoin et acteur d'un bouleversement historique fondamental. Le monde moderne accouche dans la douleur. Le 29 mai 1453, la chute de Constantinople signe l'acte de décès ultime – ultime car il y en eut bien d'autres avant – de l'Empire romain. En 1492, Cristoforo Colombo, marin génois à la tête d'une flotte espagnole, débarque sur une île des Caraïbes et inaugure une nouvelle ère.Mais pour que le nouveau puisse naître, il faut faire mourir l'ancien afin de sauver ce qu'il a fait éclore. Entre la descente des armées de Charles VIII en Italie (1494) et le sac de Rome par les troupes de Charles Quint (1527), c'est le féodalisme qui va s'effondrer, et avec lui les communes libres d'Italie, laissant place aux grands États centralisés et à l'absolutisme... sauf dans la povera Italia. Pour l'histoire italienne, c'est le moment où les choses sont perdues. Du point de vue de Machiavel comme de ses contemporains, il y a un ante res perditas* et un post res perditas*. À Florence, la rupture s'opère en 1512, moment du retour des Médicis et de la fin de la République florentine, qui contraindra Machiavel à se retirer de la politique active, le poussant à rédiger ses grandes œuvres. L'homme d'action se fait théoricien. La conscience, en effet, vient toujours après coup. Et trop tard1.Évidemment, cette présentation est schématique, mais c'est bien cette coupure, dans l'histoire européenne, dans l'histoire de l'Italie et de sa patrie, dans sa vie d'homme politique enfin, qui marque tout le destin de Machiavel. Avant d'en venir aux problèmes posés par l'œuvre, il est nécessaire d'indiquer les grandes étapes de cette vie, pas seulement pour sacrifier aux rituels des monographies consacrées aux grands auteurs, mais parce que c'est l'action qui nourrit la pensée de Machiavel, parce que les écrits théoriques sont toujours conçus comme des étapes pour en revenir à ce qui compte vraiment, c'est-à-dire l'action. On peut lire l'Éthique de Spinoza en ignorant tout de la fin de la république dans les Provinces-Unies ou du massacre des frères de Witt par ces ultimi barbarorum, derniers barbares que stigmatise ce paisible polisseur de lunettes. Mais rien de tel n'est possible avec Machiavel. S'il est philosophe, il est alors un philosophe « de la praxis »2, au plein sens du terme.Les années de formation?>Niccolò Machiavelli naît en 1469 à Florence. Il est le fils de Bernardo Machiavelli, propriétaire foncier qui réside le plus souvent à Sant'Andreà in Percussina, sur le territoire de la commune de San Casciano, près de Florence. La famille Machiavelli est une vieille famille de Florence, qui fait partie du popolo grasso, cette partie de la bourgeoisie florentine organisée dans les sept «Arts majeurs* ». Depuis le milieu du xiiie siècle, elle a perdu une bonne partie de sa fortune, mais elle continue de donner à la république ces honnêtes fonctionnaires, scribes et comptables, qui maintiennent la continuité de la république par-delà les à-coups de la vie publique souvent agitée, tirée dans tous les sens par la lutte des partis.Machiavel commence à apprendre le latin à l'âge de 7 ans et reçoit certainement une solide éducation classique – même si nous n'avons que peu de renseignements sur ces importantes années de formation. Nous savons, par exemple, qu'il a réalisé une transcription de Lucrèce et on verra que ce contact sérieux avec un des grands maîtres de l'atomisme antique ne sera pas sans influence sur la pensée de l'homme mûr. Quoi qu'il en soit, les œuvres de la maturité témoignent de nombreux emprunts faits à cette culture classique, qu'il s'agisse d'Aristote (peu cité cependant) ou des historiens romains comme Polybe et bien sûr Tite-Live auquel un ouvrage majeur est consacré. En 1492 meurt Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique. Son fils Pierre lui succède. En 1494, c'est la première descente des armées françaises en Italie. Toute la Toscane est prise dans la tourmente. Quand les armées de Charles VIII atteignent Florence, l'insurrection populaire chasse les Médicis, qui sous l'apparence des institutions républicaines gouvernaient la ville depuis 1434. Un moine prédicateur, Girolamo Savonarola, devient le porte-parole du mouvement populaire et dirige de fait la république pendant six années. Sous sa conduite, une réforme des institutions est entreprise avec la création du Grand Conseil* qui permet une plus large participation populaire au gouvernement3. Soutenu d'abord par le peuple, Savonarole prône une réforme morale qui le conduit à la rupture avec la papauté. Il est excommunié en 1497 par Alexandre VI Borgia. Au début de 1498, l'opinion commence à se retourner et bientôt il est poursuivi, arrêté, jugé puis condamné au bûcher4.
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